SA VIE 1897 – 1950






NOTICE BIOGRAPHIQUE


CES HOMMES CELEBRES QUI ONT HABITE VILLALIER : Quand on parle de maisons d'hommes célèbres, il en est une à VILLALIER qui vient automatiquement à l'esprit. Il n'y a pas de plaque sur laquelle il est indiqué « Ici vécut... »et pourtant on retrouve cette présence de Joë Bousquet lors de vacances ou de longs séjours à Villalier, dans toute son oeuvre littéraire.


MAIS QUI ETAIT JOE BOUSQUET ?

« Je m'appelle Joë Bousquet, je suis né et mort deux fois ».

« J'étais un enfant capricieux. On m'appelait l'homme-chien. Ma cruauté m'avait acquis ce sobriquet. Adolescent on me disait un mauvais garçon, pourtant j'étais fils de bonne famille languedocienne, mon père médecin, mon oncle chirurgien. En 1916, à dix-neuf ans, je devance l'appel. J'ai un désir de guerre, une volonté d'en découdre. Avec çà, je gagne des galons et des médailles. J'avance. Je suis blessé une première fois. Grâce à ce courage de tous les diables je suis l'officier le plus décoré de mon régiment. Convalescent, je rencontre Marthe à l'Opéra de Béziers, ma première rencontre avec l'amour. Impossible :  La colère de ma mère quand elle aurait su que je voulais épouser une divorcée .Vite, je veux retrouver la guerre, le front, je veux m 'échapper. Et puis, lors d'une attaque allemande, moi le lieutenant Bousquet je ne sais pourquoi tous reculaient,

Alors, j'ai compris, c'était fini et je suis resté debout ».

---JE SUIS RESTE DEBOUT ---

(extrait de l'énigme J. Bousquet ou -fragments de l'être couché-)

La mort, il l'a connue dès sa naissance: il a fallu le réanimer; puis plus tard, on l'a trouvé dans les bras de sa nourrice morte; et c'est la mort enfin qui guidait cette balle, qui, le 27 Mai 1918 l'a atteint à la troisième vertèbre et cloué au lit pour la vie. Cette balle était aussi un signe du destin: elle aurait très bien pu être tirée par le peintre surréaliste Max Ernst qui commandait le régiment contre lequel il se battait et qui plus tard deviendra son ami.


19 Mars 1897: Naissance de Joë Bousquet à Narbonne (Aude). En s’éveillant ma mère entendit mon père s’écrier: quel dommage, c’est un garçon’( Le Meneur de Lune).


1898: Retrouvé, pris au piège dans les bras de sa nourrice morte subitement. Il réchappe d’une fièvre typhoïde.


1900: Le père de Joë Bousquet ouvre un cabinet de médecine générale à Carcassonne. Installation à côté du Tivoli. Petites classes à Saint-Joseph de Cluny. Pendant les années d’enfance, vacances heureuses dans les propriétés familiales avec l’un ou l’autre grand-père à Villalier, à Marseillens et à Lapalme.


1902: Entrée à Saint Joseph de Cluny, Lycée de Carcassonne.


1911: Rencontre de Jean Mistler. (photo)


1912: Première partie du baccalauréat. Son père choisit de lui faire redoubler la classe de première avant d’aborder la classe de philosophie, vu son jeune âge. Entre-temps séjour de quelques mois en Angleterre (Southampton).


1914: Bachelier. Père mobilisé. Le premier amour avec une femme du monde de Carcassonne. Premier contact avec les drogues.


1915: Court séjour, puis installation pour quelques mois à Paris, le père ayant été affecté à Creil. Il semblerait que l’on ait envisagé pour lui l’entrée à l’école des Hautes Études Commerciales ce qui ne l’enthousiasmait pas outre mesure; il aurait penché plutôt pour le droit. Il s’ennuie à Paris et parlera peu de cette époque. En Juillet retour à Carcassonne et Lapalme puis Narbonne où le père est muté.


1916: Incorporation en Janvier. 139ème R.I. à Aurillac, Saint-Maixent de Mai à Octobre. En Novembre arrivée au 156ème R.I. choisi parce que c’est un corps d’attaque.


1917: Aspirant dans la Compagnie du Père Jésuite Louis Houdard qui le formera, le dominera, J. Bousquet est un soldat courageux, volontaire pour toutes les missions dangereuses. Il obtiendra citations et décorations (la médaille militaire, la croix de la Légion d’honneur), baptême du feu en Avril, sous-lieutenant en Mai, première blessure en Juillet. Soins à Nancy. Lors d’une permission à Béziers où son père est médecin chef, liaison avec ‘la plus divine, la plus élégante, la plus étincelante’ bourgeoise de la ville. Retour au front.


27 mai 1918: Blessé grièvement à Vailly (Aisne). Une balle l’atteint en pleine poitrine, traverse les deux poumons et la colonne vertébrale. Evacué sur l’hôpital américain de Ris-Orangis, puis Toulouse, puis retour à l’hôpital de Carcassonne.
Paralysé du bassin aux membres inférieurs, il sera désormais un gisant et quittera sa chambre, l’été, pour Villalier notamment.

J. Bousquet dira: Je suis quelqu’un qui a vu survivre son être à la mort de l’homme'.


1922: Rencontre de Claude Estève, professeur de philosophie, dont les meilleurs élèves, René Nelli, Gaston Bonheur, Ferdinand Alquié fréquentent progressivement J.Bousquet.


1924: Installation dans la maison de la rue de Verdun qu’il habitera jusqu’à sa mort. Après avoir, un moment, marqué ses distances, François-Paul Alibert le visitera régulièrement et lui fera connaître André Gide, André Gaillard, Jean Ballard, Valéry, Bien d’autres encore suivront. Premiers contacts avec les surréalistes. J.Bousquet commence la rédaction des ‘journaux’ qu’il tiendra jusqu’à sa mort.


1925: Année d’intense participation aux activités et publications surréalistes.


1928: En Janvier parution du premier numéro de la revue ‘Chantiers’.


1929: Rencontre de Paul et Gala Eluard.


1939 – 1940: Nombreuses publications. Grâce à Jean Cassou pour les premières d’entre elles et grâce, surtout à la ‘Tisane de Sarments’ (1936) il est maintenant reconnu dans le monde parisien des lettres. Carcassonne devient une halte presque obligatoire pour les écrivains et les peintres. Les belles consolatrices se succèdent à son chevet. Si J. Bousquet a été tenté un moment d’aller à Paris pour rejoindre Estève, après la mort de celui-ci, en 1993, la question ne se pose plus. ‘Il ne veut plus vivre que comme un pur esprit’ (René Nelli). La chambre aux volets clos devient le lieu où brillent toutes les facettes de l’intelligence. En 1939, rencontre avec Jean Paulhan.


1940- 1950: ‘La chambre’ lieu de résistance intellectuelle pendant l’occupation, continue à attirer les grands noms de la littérature et de la peinture dont certains trouvent un refuge auprès de J. Bousquet. Les éditions Gallimard et Jean Paulhan dont l’influence ira croissant, viennent à Villalier et bien d'autres; Aragon et Elsa Triolet, Magritte, Benda à Carcassonne, Simone Weil lui rend visite en 1942. Nombreuses publications en revues et en volumes à la libération.


1950: Déclin physique de J. Bousquet qui est soumis à des soins incessants. Beaucoup de livres qu’il voulait écrire ne seront pas menés à leur terme (notamment les ‘Capitales’).


28 Septembre 1950: J. Bousquet par suite d’une longue crise d’urémie, entre dans la mort. Il repose à Villalier sous un simple tertre.


« Le surlendemain, le Samedi 1er Octobre, eurent lieu les funérailles. Il pleuvait. Une foule dense, composée de petits marchands des quatre-saisons, de boutiquiers, de tout ce qu'une ville comprend par surcroît de curieux, d'oisifs, de braves gens, s'échelonnait sur le passage du cortège, plus massive aux carrefours, stoïque sous l'averse, pour voir passer dans un cercueil que l'on aurait voulu de verre, le poète de sa ville qu'elle n'avait jamais vu » (Michel Maurette).



POUR MIEUX CONNAITRE J.BOUSQUET

J. Bousquet vivait à Villalier à l'évêché de longues périodes renouvelées, c'était une ancienne maison de campagne des évêques de Carcassonne qui avait été achetée alors que celui-ci blessé était encore à l'hôpital. Cette propriété n'avait que 14 hectares, J. Bousquet avait grand plaisir d'évoquer les charmes de ce coin.


Dans sa lettre à Marthe du Jeudi (22? Juin 1922) J. Bousquet lui écrit: « Te décrire le lieu où je vis. Si je ne l'ai pas fait l'an dernier: un pavillon au bord de l'eau, avec une tapisserie rose – et des livres- des livres- toujours des livres autour de moi, sur les tables, contre les murs- quelques aquarelles- le portrait de Dante et l'odeur du foin et des roses qui ici pénètre tout, même l'ombre des roseaux où des grenouilles remuent la vase. Les visites sont rares, et j'y veille. Mon cousin Ca...- quelques amis- des voisins- le curé- Le curé!- il n'en est pas deux pareils dans le Languedoc. C'est ici qu'il l'a fallu- et l'église comme il convient touche à mon jardin ...(...).Parfois une villageoise passe dans mon rayon. Que toutes les femmes sont laides quand on aime....... »


« 'l'Evêché', adossé au village donne vue sur les prés d'un vert anglais, les arbres ferment l'horizon. Des magnolias et des buissons de roses séparent la belle demeure du pavillon où vit J. Bousquet, au bas duquel coule une cascade (le béal) dont le ruissellement effraie le silence. Dans la chambre, un jeu de miroirs offre l'illusion du dédoublement. Au mur, un tableau suranné, le portrait d'une inconnue. La porte-fenêtre n'est jamais fermée, la clarté de la lampe guide les pas des visiteurs nocturnes, tandis que le grondement de la cascade, tissant un mur invisible, isole le reste du monde. De la "prairie" à la chambre J. Bousquet peut aller et venir sur le fauteuil nommé 'Pégasse'. Il observe la lumière qui brille sur les toits comme un oiseau de rosée, il est attentif aux bruits qui rôdent, qui glissent autour du pavillon ou qui proviennent du village. Dès 1920 après sa blessure, J. Bousquet passe l'été à Villalier. Là, les nuits d'orage inspirent des textes initiatiques et pour l'amoureux de la lumière et l'amant de l'ombre, la clarté sera la même, car elle provient de la vérité que l'on découvre en soi ».

« A Villalier, se trouve la dernière demeure de J. Bousquet. Sur la tombe, on ne lit aucune épitaphe. En est-il besoin ? Chacun de nous porte en soi, comme un talisman, soit un fragment de poème, soit un passage de sa correspondance, soit le souvenir d'un mot d'esprit, mais parfois, bien plus encore.... Sur cette sépulture discrète (qu'il a voulu ainsi) le vent, qu'il aimait , vient de la mer » (Ginette Augier & René Nelli dans 'les Demeures' de J. Bousquet).

En effet, il n'y a sur la tombe de J. Bousquet ni stèle, ni clôture. Seule une épée de bronze est enfoncée jusqu'à la garde. Elle semble le fixer au sol pour l'éternité comme 'un rayon cloué à ses ailes' décrira Raymond Guilhem dans 'Une Adolescence 1940- 1950'.


« L'eau de l'Orbiel tremble comme une chair caressée, on entend même battre son coeur ».


« La prairie est vide; le pont est idiot de porter toutes ces voitures dans lesquelles tu n'es pas. Il y a un siècle que je suis ici... » écrit -il.


A l'heure actuelle, la prairie a changé de visage: les pommiers sont morts, la petite tonnelle a disparu, le Béal glisse entre les herbes hautes ......


Les plus grands noms de la littérature et des arts ont défilé dans l'espace confiné de sa chambre. Elle était le point de ralliement des écrivains réfugiés dans la zone sud. Des femmes aussi venaient l'y rejoindre. Cloué sur son lit il fit un pied de nez à l'occupation nazie et participa à la Résistance. Et il écrivit, écrivit et écrivit encore. Des dizaines de carnets, dont le peu qui est publié dit-on n'est que la partie immergée d'un iceberg étincelant.



    UNE FORCE NE NAIT QUE CONTRARIEE

    (et c'était le cas de J.BOUSQUET)


« Il était beau, spirituel, impétueux comme un torrent. On était en pleine guerre. Engagé volontaire en 1916, élève officier aspirant, puis sous-lieutenant, il gagne la Légion d'Honneur à 20ans. Il se bat dans la Somme à Kennel en Picardie, dans l'Aisne le 27 Mai 1918, les allemands ont percé le front au Chemin des Dames. Son régiment, le 156è à peine descendu des lignes où il a perdu la moitié de son effectif, est appelé en renfort pour boucher la brèche. Jetée dans la bataille, la section de J.Bousquet dispute pied à pied le cimetière du petit village de Wailly. C'est là qu'un fantassin allemand le met en joue et l'abat d'une balle dans la poitrine. En tombant J.Bousquet donne l'ordre de le laisser sur place et de décrocher. Mais ses hommes l'emportent dans une toile de tente jusqu'à un poste de secours. J.Bousquet est sur un brancard. Il n'ouvre pas les yeux. Vit-il encore? 'Il n'est pas mort mais ne vaut guère mieux. 'Il n'ira pas loin'....

J.Bousquet devait tromper la mort pendant trente -deux ans! (René Descadeillas, la Dépêche du Midi le 29 Septembre 1979).


Quand et dans quelles conditions J.Bousquet avait-il commencé à écrire :

« Il y a longtemps que ma vocation est née. Adolescent, je pensais déjà à écrire. A 16ans, j'avais déjà fait une pièce avec Sharley de Roland. Je tenais un journal. Etait-ce pour m'assurer des indiscrétions possibles, pour garantir son caractère confidentiel, je ne le sais pas, mais je me souviens que je l'écrivais en anglais. En même temps, je composais quelques poèmes. Je ne les ai pas conservés. Mais plusieurs essais littéraires sont plus récents. Je les situe entre 21 et 27 ans. J'avais entrepris aussi un roman historique, je l'ai abandonné. Un jour j'ai fait chercher un registre. J'ai écrit tout ce qui me paraissait exprimer ma vie, en la complétant où, plutôt, ce qui pouvait prolonger le sentiment de la vie dans une expression qui me ferait oublier mes blessures. Ce fut le 1er 'Cahier Noir', et à la demande de Jean Cassou j'ai tiré 'Il ne fait pas assez Noir'. Un peu plus tard, j'ai publié chez Debresse 'Rendez-vous d'un Soir', puis 'Une Passante Bleue et Blonde', puis la 'Tisane de Sarments'. Alors, s'est produit un événement qui n'a pas été sans influencer sur le cours de ma carrière. J'ai noué des relations personnelles et étroites avec Jean Paulhan. Il m'a engagé d'une part, a publié mon journal d'une manière absolument opposée à celle que j'avais adoptée, puis il a voulu que je fasse des poèmes......... » (René Descadeillas, la Dépêche du Midi le 29 Septembre 1979, ce que lui disait J.Bousquet).