SA PROSE N'EST QUE POESIE!


« La poésie, c'est l'opération magique qui consiste à chercher à travers toutes les ambiguïtés du beau ».Voilà, tout est dit ...


Deux fous se disputent ma vie.

L'un au long désespoir rêveur


Effeuille en mon âme ravie

Des bruits de grelots et de pleurs.


Tandis que le plus fou qui pleure

Comme un enfant qu'on perd la nuit


Écoute s'égrener les heures

De ce qui nous quitte sans bruit.


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Du temps qu'on l'aimait, lasse d'elle même,

Elle avait juré d'être cet amour;

Elle en fut le charme et lui le poème.

La vie est légère au serment d'un jour.

(Madrigal)




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Le premier matin aux yeux de faïence

De jolis joujoux naît l'amour d'enfance

Qui finissent en nous.


Dans les yeux de brume des fantômes noirs

Tout ce que nous fûmes

est mort sans nous voir.



Ces poèmes de jeunesse sont restés inédits ( extrait d'un entretien avec Ginette Augier, à Réalville, le 27 Février 1987).


PLUS TARD ... (extraits)


« L' ESPRIT DE LA PAROLE » :

Il ne fait pas nuit sur la terre ; l'obscurité rôde, elle erre autour du noir. Et je sais des ténèbres si absolues que toute forme y promène une lueur et y devient le pressentiment, peut-être l'aurore d'un regard.


Ces ténèbres sont en nous. Une dévorante obscurité nous habite. Les froids du pôle sont plus près de moi que ce puant enfer où je ne pourrai pas me respirer moi-même. Aucune sonde ne mesurera ces épaisseurs : parce que mon apparence est dans un espace et mes entrailles dans un autre; je l'ignore parce que mes yeux, ni ma voix, ni le voir, ni l'entendre ne sont dans l'un ni l'autre.

Il fait jour ton regard exilé de ta face

Ne trouve pas tes yeux en s'entourant de toi

Mais un double miroir clos sur un autre espace

Dont l'astre le plus haut s'est éteint dans ta voix.


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Les jours que leur odeur endort sous tes flancs roses

Se cueillent dans tes yeux qui s'ouvrent sans te voir

Et leur aile de soie enroule à ta nuit close

La terre où toute nuit n'est que l'oeuvre d'un soir.


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Il fait noir en moi, mais je ne suis pas cette ténèbre bien qu'assez lourd pour y sombrer un jour. Cette nuit

est : on dirait qu'elle a fait mes yeux d'aujourd'hui et me ferme à ce qu'ils voient. Couleurs bleutées de ce

que je vois qu'avec ma profondeur, rouges qui m'éclaire

Mon sang, noir qui voit mon coeur...


Nuit du ciel, pauvre ombre éclose, tu n'es nuit que pour mes cils.


Bien peu de cendre a fait ce bouquet de paupières

Et qui n'est cette cendre et ce monde effacé

Quand ses poings de dormeur portent toute la terre

Où l'amour ni la nuit n'ont jamais commencé.




« LA NACRE DU SEL »:

« Ne cherche pas à créer

C'est assez que tu sois

Signe chaque objet-

O troublante pureté-

Le mythe couronne le réel- »


« Audace des vers.

Décrire en rêve ce que la réalité m'apporte.

Passionner le fait quotidien :

demander à l'amour de la polariser.

Amour impitoyable pour ce qui n'est pas amour ».


« L'existence sécrète le temps par le fait même qu'elle est projet

Monde de la liberté,

conscience.

Monde de la nature-

être ».


« Il n'y a pas de vie possible pour celui qui fait du regret avec toutes les chances dont il a su que rêver ».




« CONNAÎTRE ET CROIRE »

On rencontre une personne, on découvre qu'elle est, on croit en elle... Un jour, à force de ne voir qu'elle, on la découvre, et ce jour-là on la connaît ..., on la connaît elle aussi. Elle n'est ni plus mal, ni mieux : Mais croire est l'oeuvre du coeur, et connaître le fait de la pensée ».



LE SEME CHEMIN/ FEVRIER 1948 :

« Les dernières années viennent à moi ; elles s'approchent, humbles, obligeantes, chacune avec sa lanterne...

J'ai le coeur gonflé par la joie de les voir, de comprendre ce qu'elles veulent.
Elles viennent :

Emplir d'une clarté humaine la joie que nous eûmes d'exister...

D'exister contre tout, contre l'adversité, contre nous...

Avec l'aide du monde, nous guérirons de notre mort l'amour humain que nous fûmes :

Le corps n'est pas un élément de dispersion ».



ENCORE... Concernant sa poésie, J. Bousquet écrit encore :


« La poésie n'est plus un reflet de l'homme: elle a le poids de son être et porte tous les traits de sa destinée » et puis, la vie va continuer dans cette chambre, la lumière de la lampe, les rideaux tirés, « tapi dans un coin, tassé, les yeux ouverts » avec cette douleur trop forte qui remonte dans le corps, une pipe d'opium à portée de la main pour lutter contre. Survivre, surmonter, passer par-dessus, vivre en creux, savoir dans sa chair que « tous les feux, sur la mer, chantent qu'un homme est seul, après tout, et seul avec ce qui le mène », mais ne pas s'isoler, être plus que jamais parmi les hommes, un homme très différent, un homme-chien, plus qu'un homme, moins qu'un homme, « le dernier des hommes et le meilleur des chiens ».

« La poésie est la langue naturelle de ce que nous sommes sans le savoir » et dans cet effort de vie à fleur de peau, présence, regard, parole, finiront-ils peu à peu par se rejoindre et ne faire qu'un ? ».




QUELQUES CITATIONS :


« Comment t'égaler à toi-même quand tu ne connais que ton coeur. Tu dois demander à Dieu les clefs de ta maison » (Extrait du 'Journal Littéraire, Cahier Bleu: le Livre d'Eté).

« Niaiserie d'une époque où chacun cherche les évènements dans le journal au lieu de les voir sur sa route » (Extrait d'une lettre à Stéphane et à Jean).

« Ne plaignez pas les malades ni les infirmes. Vous blesseriez votre âme avec des blessures qui n'ont entamé que leurs illusions » (Extrait des' Cahiers du Double').

« Si tu ne trouves pas Dieu en toi, laisse-le où il se trouve » (Extrait du Langage Entier).

« Je n'ai que l'amour pour me saisir dans mon être total, je n'ai que l'amour de Dieu pour saisir l'homme que je suis dans la promesse dont je suis l 'accomplissement » (Extrait du 'Journal Dirigé').

« La liberté n'est que le nom d'une illusion, sous le couvert de laquelle il appartient à l'homme d'aller à la rencontre de son sort ».

«  Il n'y a que l'envie de mourir pour donner des leçons à notre coeur ».

« La mort est le regret de la vie ».

« L'opinion publique est reine = elle ne gouverne pas ».

« Tu meurs parce qu'il y a dans ta vie bien des choses dont il faut que tu sois la mort. »

« Ce n'est rien que de prouver l'existence de Dieu. Il reste à le rendre réel. Et Dieu ne sera réel qu'autant qu'on aura montré en lui le principe de l'homme".



' Qu'on me retire ma vie et j'en invente une autre '